L’article 606 du Code civil est une disposition fondamentale qui définit la répartition des charges de réparation entre propriétaire et locataire dans un bail commercial. Il précise que les “grosses réparations” incombent au bailleur, tandis que les réparations d’entretien sont à la charge du locataire. Cette distinction, apparemment simple, soulève pourtant de nombreuses questions dans la pratique.
Voici ce que vous découvrirez dans cet article :
- La définition précise des “grosses réparations” selon l’article 606
- Les obligations respectives du propriétaire et du locataire
- L’impact de la loi Pinel sur la répartition des charges
- Des exemples concrets pour distinguer les différents types de travaux
- Des conseils pratiques pour la rédaction de votre bail commercial
Définition et cadre général du bail commercial
Un bail commercial est un contrat de location spécifique destiné aux locaux utilisés pour une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Il lie un bailleur (le propriétaire) et un preneur (le locataire, qui peut être une personne physique ou morale).
Ce type de bail porte uniquement sur la location du local et doit être distingué du fonds de commerce, qui comprend d’autres éléments comme la licence, la clientèle, le matériel ou encore le droit au bail.
L’article 606 du Code civil intervient dans ce cadre pour définir précisément ce qu’on entend par “grosses réparations” dans un bail commercial. Cette notion est essentielle puisqu’elle détermine les travaux qui restent obligatoirement à la charge du propriétaire, même si le bail contient des clauses contraires.
Texte exact de l’article 606 du Code civil : “Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien.”
Répartition des charges et réparations entre bailleur et locataire
La distinction entre ce qui relève du bailleur et ce qui incombe au locataire est fondamentale dans un bail commercial. Voici comment se répartissent généralement les charges :
À la charge du bailleur (propriétaire) :
- Les grosses réparations définies par l’article 606
- Les travaux touchant à la structure et à la solidité de l’immeuble
- Les travaux de mise aux normes obligatoires (si ce sont des grosses réparations)
- Les réparations liées à la vétusté du bien (si elles sont des grosses réparations)
- L’entretien des parties communes de l’immeuble
- Les frais et honoraires liés aux grosses réparations
À la charge du preneur (locataire) :
- L’entretien courant du local
- Les petites réparations dites “locatives”
- Les réparations liées à la vétusté d’entretien
- Les travaux résultant d’un défaut d’entretien ou de dégradations
- Les travaux d’embellissement et d’aménagement intérieur
Cette répartition peut sembler claire sur le papier, mais dans la pratique, de nombreux litiges surviennent sur la qualification exacte de certains travaux.
Les grosses réparations : définition et exclusions selon l’article 606
Les grosses réparations mentionnées à l’article 606 concernent spécifiquement les éléments structurels du bâtiment. Il s’agit des travaux qui touchent à :
- La réfection complète de la toiture (pas seulement quelques tuiles)
- La réparation ou reconstruction des murs porteurs
- Le rétablissement des poutres et charpentes
- La réparation des murs de soutènement
- La réfection des canalisations importantes
À l’inverse, ne sont pas considérés comme des grosses réparations :
- Les travaux d’entretien courant
- Les réfections partielles non structurelles
- Les travaux superficiels de ravalement
- Le remplacement partiel d’éléments sans altération structurelle
Par exemple, remplacer quelques tuiles sur un toit relève de l’entretien (charge locataire), tandis que refaire l’intégralité de la couverture constitue une grosse réparation (charge propriétaire).
La jurisprudence a progressivement affiné cette notion. Ainsi, le remplacement d’une chaudière, longtemps considéré comme une réparation d’entretien, peut désormais être qualifié de grosse réparation dans certaines circonstances, notamment si elle est liée au système structurel du bâtiment.
Évolution jurisprudentielle et impact de la loi Pinel (2014)
La notion de grosses réparations a connu une évolution significative grâce à la jurisprudence et aux réformes législatives.
Avant 2005, les tribunaux adoptaient une interprétation restrictive de l’article 606. Les juges s’en tenaient strictement à la liste limitée des éléments mentionnés dans le texte (gros murs, voûtes, poutres, couvertures entières).
Depuis 2005, la jurisprudence a élargi cette interprétation. Les juges du fond disposent désormais d’un pouvoir souverain pour qualifier certains travaux de grosses réparations, même s’ils ne figurent pas explicitement dans l’article 606.
La loi Pinel de 2014 a marqué un tournant décisif dans la protection des locataires commerciaux. Ses principales innovations concernant l’article 606 sont :
- L’interdiction formelle de transférer par contrat la charge des grosses réparations au locataire (toute clause contraire est réputée non écrite)
- L’obligation pour le bailleur de prendre à sa charge les honoraires liés aux grosses réparations
- L’inclusion explicite des réparations liées à la vétusté dans le champ des grosses réparations (si elles sont structurelles)
- L’obligation pour le bailleur de fournir un inventaire des réparations tous les 3 ans
Ces dispositions s’appliquent aux baux commerciaux conclus ou renouvelés depuis le 5 novembre 2014. Elles ont considérablement renforcé les droits des locataires face à certaines pratiques abusives.
Obligations spécifiques du bailleur dans un bail commercial
Au-delà de la prise en charge des grosses réparations, le bailleur a plusieurs obligations essentielles dans le cadre d’un bail commercial :
Délivrer un local conforme : Le propriétaire doit mettre à disposition un local en bon état d’usage et conforme aux normes en vigueur (électricité, sanitaires, sécurité, chauffage, accessibilité).
Assurer les grosses réparations : Il doit réaliser les grosses réparations nécessaires pendant toute la durée du bail, même si le locataire occupe les lieux. Cette obligation persiste même si des travaux entraînent des désagréments temporaires pour l’activité du locataire.
Informer le locataire : Le bailleur doit communiquer au preneur un inventaire précis des catégories de charges et un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années à venir.
Garantir la jouissance paisible : Le propriétaire doit s’abstenir de tout acte susceptible de troubler la jouissance du locataire et doit le protéger contre les troubles de droit émanant de tiers.
Entretenir les parties communes : Dans un immeuble comportant plusieurs locaux, le bailleur est responsable de l’entretien des parties communes (hall, escaliers, ascenseurs, équipements collectifs).
Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions allant de dommages et intérêts jusqu’à la résiliation du bail aux torts du bailleur.
Responsabilités et exemples concrets de réparations
Pour mieux comprendre la répartition des charges, voici quelques exemples concrets fréquemment rencontrés :
Type de travaux | À la charge du bailleur | À la charge du locataire |
---|---|---|
Remplacement chaudière | Oui, si lié à la vétusté et considéré comme élément structurel | Oui, si entretien courant ou remplacement partiel |
Réfection toiture | Oui, si réfection complète | Oui, si remplacement de quelques tuiles |
Remplacement vitrine | Oui, si élément structurel | Oui, si bris de glace ou dommage d’usage |
Mise aux normes électriques | Oui, si réfection complète | Oui, si interventions ponctuelles |
Travaux suite à dégât des eaux | Oui, si touchant structure | Oui, si causé par négligence du locataire |
Entretien rideaux métalliques | Non, sauf clause contraire | Oui, considéré comme entretien courant |
Ravalement façade | Oui, si ravalement complet | Oui, si nettoyage superficiel |
La responsabilité du locataire peut être engagée même pour des grosses réparations dans certains cas particuliers :
- Si la réparation est rendue nécessaire par un défaut d’entretien imputable au locataire
- Si les dégradations ont été causées directement par le locataire ou ses préposés
- Si le bail contient une clause spécifique (pour les baux antérieurs à la loi Pinel)
Conseils pratiques et FAQ pour la rédaction et la gestion du bail commercial
Pour éviter les litiges liés à l’article 606, voici quelques recommandations pratiques :
Pour les propriétaires :
- Rédigez une clause détaillée de répartition des charges, en distinguant clairement ce qui relève des grosses réparations
- Prévoyez un état des lieux d’entrée très précis, documenté par des photos
- Établissez et communiquez régulièrement l’inventaire des travaux prévu par la loi
- Anticipez les grosses réparations prévisibles pour éviter les situations d’urgence
Pour les locataires :
- Vérifiez que le bail ne contient pas de clauses abusives transférant les grosses réparations
- Signalez rapidement par écrit tout désordre pouvant nécessiter une grosse réparation
- Conservez les preuves de l’entretien régulier que vous effectuez
- Sollicitez l’inventaire triennal des travaux si le bailleur ne le fournit pas spontanément
Questions fréquentes :
Q : Un propriétaire peut-il refuser d’effectuer une grosse réparation ?
R : Non, c’est une obligation légale. Le locataire peut, après mise en demeure, faire exécuter les travaux et en demander le remboursement, voire obtenir une réduction de loyer.
Q : Les travaux de mise aux normes sont-ils toujours à la charge du bailleur ?
R : Ils sont à la charge du bailleur s’ils constituent des grosses réparations au sens de l’article 606. Dans les autres cas, la répartition dépend des clauses du bail.
Q : La loi Pinel s’applique-t-elle aux baux en cours ?
R : Non, uniquement aux baux conclus ou renouvelés après le 5 novembre 2014.
Q : Peut-on déroger à l’article 606 par une clause contractuelle ?
R : Depuis la loi Pinel, toute clause transférant la charge des grosses réparations au locataire est réputée non écrite, donc sans effet.
L’article 606 du Code civil reste une disposition fondamentale du droit des baux commerciaux. Sa bonne compréhension permet d’éviter de nombreux litiges et de garantir une relation équilibrée entre bailleur et preneur. N’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé pour adapter ces principes généraux à votre situation particulière.

Je m’appelle Juliette et je suis journaliste et rédactrice freelance, passionnée par la gastronomie, les voyages et tout ce qui touche à l’art de vivre. Originaire de Grenoble, j’aime partager mes découvertes, mes recettes et mes bonnes adresses avec une plume chaleureuse et accessible. Mon objectif ? Vous inspirer à explorer de nouvelles saveurs, à vous lancer dans des projets déco ou immobiliers et, surtout, à savourer chaque instant de la vie. Au plaisir de vous retrouver ici, sur CaffeForte.fr !